OPIUM d'Arielle Dombasle
"Raymond, j'ai toujours su que tu m'étais prêté et qu'il faudrait te rendre très vite", une des nombreuses belles phrases écrite par Jean Cocteau donne le ton a ce film. Loin d'un biopic car beaucoup plus fou, ce film raconte (non ce n'est pas du tout le mot) la relation entre Jean Cocteau (justement) et Raymond Radiguet. La voix off et les images nous emmène dans l'imaginaire de Cocteau, c'est son point de vue qui est mis en scène, parce que c'est un peu son film, c'est sur lui. L'opium donne le gout de tout ce que nous voyons. Des images oniriques en noir et blanc entre coupe les scènes de bal et celles de débauche dans le Paris des années folles. Raymond semble être le rayon de soleil de Jean. C'est un jeune homme tout à fait charmant et apparemment talentueux et surtout pleins de vie qu'il exploite à travers tout son corps. Cocteau fréquente aussi une quantité de beau monde, dans des bals revisités par des robes stylisés et des figures de fer sur la tête (magique !) où se croisent Coco Chanel, André Breton, Man Ray ... Ce film est par ailleurs mis en scéne de manière insolite, nous plongeant au plus profond de l'être de Cocteau. C'est une comédie musicale où ses poèmes sont mis en musique. Le passage avec la voyante peut aller jusqu’à rappeler du Jacques Demy, quand à la forme du film, sa structure, elle s'apparenterai bien aux film Yves Saint Laurent (sans le coté coupé/décalé, plus Michel Gondry pour le coup). On note également la présence des dessins de Cocteau, reproduit en temps réel. Le film s'ouvre sur un fond noir avec (surement) un système de lumière noir, faisant ressortir le dessin et la main. Une merveille.
Les textes du film sont écrit par Jean Cocteau (et mis en scène, bien sur). On retrouve alors de nombreuses citations sur l'amour mais aussi le désespoir, la mort et la jeunesse que Radiguet lui permet de revivre ou du moins d'observer. Des le début du film, on le voit mort sur l'escalier, couper pas des images de paradis en carton. Il avance alors en arrière, jusqu’à leur rencontre sur la plage, la danse folle, le livre à la mer puis le manuscrit du "Diable au corps". Ce qui est par ailleurs étonnant est que le succès de ce livre est largement visible dans le film, par opposition à ce que fais Jean (j'entend par là la pièce de théatre peut convainquant) qui est un échec affligeant. Il nous parle aussi d'opium, tout le film se dessine autour de cette figure, dans la salon avec la voyante ou encore chez lui, toujours décris joliment, comme une douce dévastation de l'être, mieux que la vie.
"Objet bizarroïde pour happy few, potentiellement agaçant mais jamais rasoir, Opium dégage le charme étrange et capiteux d'une certaine liberté." (Télérama)
Le plaisir visuel est immense. C'est d'après moi un chef d'oeuvre. L’esthétique et le montage sont deux choses surprenante mais finalement très belle. On se sent plongé dans un univers spirituel d'artiste des années 30, dans la folie et le désespoir quelque chose de délicat et de lugubre en même temps. Et très kitsh !
Le film débute et se conclut par la mort de Raymond. Jean est à l’hôpital
et tente de se soigner de toute la drogue qu'il prends. L'Opium est une machine à remonter le temps. Au cœur
de son esprit farfelu, nous avons alors du mal à comprendre ce qui est et ce qui était, le souvenir et le délire
. Il écrit Opium, journal d'une désintoxication. C'est sa descente aux enfers. Raymond l'a tué.
"Car la jeunesse sait ce qu'elle ne veut pas avant de savoir ce qu'elle veut !" (Jean Cocteau)